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Des écoles au métier de journaliste les parcours sont multiples

De l’entrée dans une école de journalisme à l’exercice de la profession, les méandres sont nombreux et la navigation n’est pas la même pour tout le monde. Géraud Lafarge a conduit une étude (*) minutieuse sur ce sujet dont les incidences ne sont pas sans effets sur la production de l’information.

Le journalisme est une des rares professions à n’exiger aucun diplôme pour être exercée. Une profession ouverte à tout le monde dans la mesure où l’on possède la curiosité de rechercher l’information et la capacité de la transmettre par les texte, le son ou l’image.

La formation « sur le tas », forme d’apprentissage, l’adaptation de connaissances acquises par ailleurs aux réalités des process et techniques de productions et de diffusions, la formation permanente ont ainsi permis de constituer le corps de la profession de journalistes composée d’individus issus de divers horizons sociaux.

A l’issue de la seconde guerre mondiale des formations spécifiques ont été mises en place avec notamment, en 1946, le centre de formation des journalistes ( CFJ) annonçant le développement d’une filière d’écoles et d’instituts de formation professionnelle répondant aussi aux besoins engendrés par l’évolution des techniques, des conditions de productions et par une intense concurrence au sein du monde médiatique.

Cette porte d’entrée dans la profession a pris une place prédominante depuis les années 1990 comme l’explique Géraud Lafarge dans son étude menée sur plus de 300 élèves d’écoles de journalisme « reconnues par la profession » et de leur devenir social et professionnel environ 7 ans après l’obtention de leurs diplômes.

La prime au capital social

Ce travail confirme une réalité inhérente à l’évolution de l’enseignement supérieur français dans une démarche priorisant la performance et la compétitivité à l’acquisition proprement dite des connaissances. La sélection est le maître mot pour ces écoles selon des critères qui, l’étude le confirme, reflètent naturellement les propriétés initiales scolaires et sociales des étudiants.

De ce fait les écoles « reconnues par la profession » se retrouvent elles-même en position de concurrence avec une distinction entre des « grandes écoles » et les autres. Avec, conséquence logique, selon des établissements une « petite porte » et une « grande porte » d’entrée dans la profession selon l’expression de Pierre Bourdieu.

Un constat corroboré par les témoignages analysés dans l’étude minutieuse menée par Géraud Lafarge qui met en évidence le poids du capital économique et social pour la sélection d’entrée dans les écoles et qui est tout aussi prégnant pour l’entrée dans la profession. Les réseaux ont une importance indéniable, ceux que l’on avait avant et ceux construits au sein des écoles entre les élèves mais aussi via les intervenants.

Là encore intervient une discrimination puisque les médias nationaux grands publics, par exemple, sont présents essentiellement dans les « grandes écoles ». Pas étonnant alors de voir leurs élèves être privilégiés pour l’accès à ces médias, situation exacerbée par la réalité factuelle d’une baisse des emplois.

Malgré les tentatives faites par certaines écoles pour une diversification de leurs élèves, force est de constater qu’on est loin de briser la fatalité de leurs situations sociales. Et quelle incidence cela a-t-il sur la composition des rédactions de ces « grands médias » voire de leurs choix éditoriaux ? Poser la question c’est peut-être y répondre.

(*) « Les diplômés du journalisme », sociologie générale de destins singuliers, étude de Géraud Lafarge dans la collection Res Publica aux Presses Universitaires de Rennes.

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