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Des pistes en régions pour retrouver le goût de l’info

Une pandémie qui met le monde à l’arrêt, des conflits armés qui l’ensanglantent, une urgence climatique et environnementale qui s’accélère…. Trop d’anxiété, plus assez d’espoir peuvent faire perdre le goût de s’informer et engendrer une défiance démocratique. D’où l’importance de trouver des solutions à cette situation comme cela a été fait du 27 mars au 1er avril dernier à Tours lors des dernières assises internationales du journalisme avec un regard particulier sur les initiatives lancées en régions lors de l’atelier organisé en partenariat avec l’Union des clubs de la presse de France et francophones (Ucp2f).

Peux-t-on produire de l’information sans tenir compte du public qui la recevra ? Peut-être mais certainement pas pour les « journalistes défricheurs de l’info locale » invités le jeudi 30 mars pour présenter leurs initiatives justement engagées afin de permettre à celles et ceux qui le souhaitent de « retrouver le goût de l’info ».

Climax à Bordeaux

Voici Millie Servant qui, après la présentation de l’atelier par Richard Hecht de l’Ucp2f, explique les raisons d’être de Climax dont le nom n’est pas sans référence aux questions écologiques. A condition toutefois de ne pas les aborder sous un angle anxiogène source d’une « fatigue informationnelle » ressentie, souligne-t-elle par un français sur 2 et d’inquiétude pour 7 jeunes sur 10. C’est tout d’abord par une newsletter que la démarche d’aborder les problèmes écologiques par l’humour et la dérision a été mise en oeuvre en mai 2021 afin de mieux en comprendre les causes et d’appréhender intelligemment les solutions. L’écho répercutée par plusieurs milliers d’internautes en a montré la pertinence. « On a l’impression d’appartenir à la communauté à laquelle on s’adresse », poursuit Millie Servant. D’où l’idée de lancer à l’été 2022 « Climax », en complément de la newsletter, une revue papier trimestrielle de 120 pages qui se veut un fanzine ( contraction de l’anglais fanatic magazine pour décrire un journal créé par et pour des gens passionnés sur une même thématique). La rédaction partagée entre Paris et Bordeaux a la volonté d’apporter du plaisir à recevoir l’information même sur des sujets moins abordés dans les médias traditionnels parce qu’ils ne relèvent pas forcément d’une actualité brûlante mais sont tout aussi importants.

Endemik à Lille

La relation avec le public est aussi primordiale pour Déborah Adoh qui, en 2020, a créé Endemik ( en analogie avec endemos, terme grec désignant celles et ceux qui vivent dans un même pays ). Il y a quelques années en sortant de l’école de journalisme elle voulait faire ce métier pour rencontrer et discuter avec les gens mais elle a constaté que ces contacts sont de plus en plus difficiles à établir de par les pratiques envahissantes du web et aussi de la pression d’urgence imposée, dans la presse quotidienne régionale, aux journalistes pour le traitement de l’information. La défiance ressentie et exprimée à leur égard par le mouvement des gilets jaunes ainsi que les conditions de travail limitées par l’épidémie du Covid l’a amenée à organiser sur la région lilloise des conférences locales de rédaction participatives pour mieux cerner les attentes d’information et construire ensemble, journalistes et citoyens, des reportages. Pour autant ce n’est pas aussi simple que cela, l’attention des participants étant souvent focalisée sur l’actualité immédiate. D’où l’accent mis sur des réunions organisées en partenariat avec des acteurs socio-culturels dans les quartiers, les communes et naturellement s’est révélée l’importance de l’éducation aux médias et à l’information (Emi).

Splann ! en Bretagne

Il n’est effectivement pas facile de sortir d’une information soumise à la rapidité de traitement, source de confusions et de réactions émotionnelles pour certains et de désintérêts pour d’autres. Apporter de la clarté dans l’information, c’est l’objet même de « Splann ! » ( traduction de « clair » en langue bretonne) présenté par la journaliste Juliette Cabaco-Roger, l’une des fondatrices de ce média, ou plutôt de ce support d’enquêtes créé sur le modèle de Disclose. La décision en a été prise en 2020 par une quinzaine de journalistes, suite aux menaces et attaques (empoisonnement de son chien, sabotage de sa voiture réitérée il a quelques semaines ) subies par une journaliste pour ses enquêtes diffusées localement et nationalement sur l’agro-industrie bretonne.
Association à but non lucratif, Splann !, reconnue par la commission paritaire des publications et agences de presse, a pour objet d’engager des enquêtes au long cours diffusées ensuite par différents médias régionaux et nationaux partenaires. « Nous avons évidemment, précise Juliette Cabac-Roger, une liste personnelle de sujets qui s’enrichit au fur et à mesure de nos contacts avec les actrices (-teurs) de terrain et nous suivons aussi des alertes lancées par des citoyennes (-ns). »

La Compagnie Rotative à Clermont Ferrand

Autant d’initiatives ravissent Raphaël Poughon, qui fait aussi le constat que de plus en plus de femmes participent à leurs créations. Celles présentées aujourd’hui témoignent aussi d’un souci de s’adresser différemment aux gens, avec le souci de « s’affirmer comme des médias vivants et non générés par l’intelligence artificielle ». Une démarche qu’il suit attentivement avec la Compagnie rotative, structure du groupe Centre-France chargée notamment d’accompagnement de médias émergents soucieux de renforcer les relations entre les journalistes et la population, à l’exemple de Vost qui organise des agoras de discussion entre jeunes et journalistes pour faire émerger des sujets à traiter.
En réponse à plusieurs questions de la salle on peut constater que la diversité des initiatives se retrouve aussi, souligne Raphaël Poughon, dans les outils de gestion mis en œuvre par chaque média, avec comme point commun, note-t-il, une prise en compte plus importante de financements participatifs et de partage dans des logiques d’économies circulaires ou de mise en réseau. On se situe plus dans des formules d’économie sociale et solidaire qui pourraient aussi développer des réseaux mutualisés pour certains secteurs comme, par exemple, la défense juridique face aux attaques mises en oeuvre pour empêcher le travail d’enquête journalistique.
Une gestion qui doit aussi prendre en compte la spécificité du statut professionnel des journalistes qui n’est, par exemple, pas compatible avec l’auto entrepreneuriat mais à laquelle peuvent s’adapter des coopératives d’activités et d’emplois. Et l’on peut naturellement se poser aussi la question de la nécessaire réactualisation des aides à la presse pour tenir compte de ces nouveaux médias.
Autant de constats et réflexions émises lors de cet atelier que l’on pourra retrouver en détail grâce à l’enregistrement mis à disposition, avec le lien ci-après, par les Assises internationales du journalisme : https://www.youtube.com/watch?v=iMCv69_wkco

Climax : http://www.climaxfanzine.fr/
Endemik : https://endemik-info.com/la-redac-citoyenne/
Splann !: https://splann.org/
La Compagnie Rotative : https://compagnie-rotative.fr/

A voir également :

Le club de la presse de Bordeaux a consacré plusieurs articles aux assises réalisés par Gaëlle Ginibrière (membre du ca, référente Education aux médias et à l’information) et par deux étudiantes en 1ère année de l’ Ecole de formation des journalistes de Bordeaux (Louane Velten et Laurie Marin) :
https://www.club-presse-bordeaux.fr/category/actualites-medias/

Petit Kiosk est une création du Club de la presse Hauts-de-France. 
Pour participer à cet outil pédagogique, les collégiens et lycéens peuvent envoyer leurs questions en vidéo au Club de la presse : direction@clubdelapressehdf.fr. 
Ce nouveau dispositif pédagogique, qui a reçu le soutien du ministère de la Culture, met en prise directe des collégiens et lycéens avec des spécialistes capables de répondre à leurs questions à propos du journalisme, des médias et du traitement de l’information. Petit Kiosk apporte un vrai plus en proposant aux jeunes une démarche active de compréhension du monde de la presse. 
En expliquant comment travaillent les journalistes, on aborde de façon concrète la liberté de la presse et son importance en démocratie. Des vidéos courtes, directes, constituent une réponse efficace aux contre-vérités véhiculées notamment par les réseaux sociaux.  
https://clubdelapressehdf.fr/petit-kiosk-media-vous-avez-une.html