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De la philo aux zones de guerre

Laura-Maï Gaveriaux est une journaliste indépendante. D’abord enseignante en philosophie, elle change vite d’horizon et devient malgré elle, journaliste, grande reporter. Ses reportages se verront publiés dans Le Monde Diplomatique.

 

Aloïs Liponne : Vous êtes passée de professeure de philosophie à grande reporter, pourquoi ce revirement professionnel ?

Laura-Maï Gaveriaux : Ce n’est pas exactement un revirement professionnel. Je menais déjà des recherches pour mon travail universitaire. Ma thèse porte sur la réparation des crimes de guerre. Je voyageais, j’écrivais sur mes excursions.

Il y a une certaine cohérence entre ma façon de vivre, mon besoin de comprendre, d’expliquer, de voyager et de transmettre, et aujourd’hui mon métier de journaliste. Je vivais déjà personnellement dans une démarche journalistique, malgré moi. Je fais toujours la même chose, je cherche à comprendre et à expliquer. J’ai juste changé de public.

 

A.L : Pourquoi être partie dans les pays du Moyen-Orient et traiter l’information de guerre ?

L-M.G : Les choses sont arrivées sans que je le veuille. Mes parents travaillent tout deux dans les médias, ma mère pour la télévision et mon père pour la radio. De manière anti-parentale, je m’étais jurée de ne jamais travailler dans les médias. J’ai toujours essayé de trouver un subterfuge pour ne pas être journaliste. Seulement, j’ai l’incapacité à me couler dans un moule. Je ne suis pas non plus faite pour la hiérarchie. C’est pourquoi j’ai démissionné de l’éducation nationale.

Je suis aussi tombée gravement malade, j’ai failli mourir à 28 ans. Je m’en suis remise, et une fois guérie, j’ai retrouvé ma liberté personnelle.

J’avais envie de partir, mais partir où ? Les attentats en Tunisie venaient de se produire, j’avais besoin de comprendre, d’aller au plus près pour savoir. C’était un pays que je ne connaissais pas. Alors, un ami journaliste, m’a conseillée d’écrire pour Le Monde Diplomatique. Ce canard fait souvent signer des universitaires. C’était une manière détournée pour moi de faire du journalisme, sans être journaliste.

Je suis ensuite partie en Turquie, où j’avais déjà des relations intellectuelles. J’avais aussi une attirance pour le Moyen-Orient. J’avais envie de comprendre ce qu’il se passait sur place. C’est pour cette raison que je me suis intéressée à la situation dans ce pays.

 

A.L : Vous n’étiez pas journaliste de profession, comment s’est passée votre arrivée dans cet univers professionnel, sur une terre en guerre ?

L-M.G : Ma formation de chercheuse m’a beaucoup aidée. Il faut trouver un sujet à étudier, le traiter, choisir une problématique. C’est comme trouver un sujet d’article avec un angle.

J’ai aussi énormément appris sur le tas, avec des journalistes, qui sont parfois même devenu des ami.e.s.  Les chefs de rédaction avec lesquels j’ai travaillé m’ont aussi beaucoup enseignée, avec la correction de mes papiers, pour améliorer mon écriture.

Aller travailler sur des terrains en guerre, cela se fait grâce à une part d’instinct. Il faut avoir du bon sens pour les mesures de sécurité. J’ai même développé des astuces très pragmatiques. Chaque jour, on apprend grâce à l’expérience. En France, les journalistes sont peu formés pour aller sur les zones de guerre comparé à d’autres pays où ils ont une formation militaire.

Et puis j’adore mon métier. Mais on ne doit pas finir sous les bombes pour aller au bout du travail de journaliste. L’objectif final reste tout de même d’apporter des informations, si l’on est mort, ça n’est plus possible.

 

A.L : “ Sans être issue des médias, cela a été difficile d’écrire des articles et d’adopter le mode de vie d’une reporter ?”

L-M.G : Ce n’a pas été difficile. Avec ma formation universitaire, j’avais déjà des bases, dans ma recherche, à structurer ma pensé. En plus le registre d’articles du Monde Diplomatique s’accorde bien le monde austère de la philosophie.

J’avais aussi une expérience en rédaction d’articles. J’écrivais des éditos pour le site Le Plus du magazine L’Obs. J’ai alors appris à avoir une écriture concise, à l’adapter pour un vaste public avec des formulations qui attrapent le lecteur.

Le plus dur, ce n’est pas d’écrire, mais de s’en sortir économiquement. Je ne suis pas très bien rémunérée pour mes reportages et je suis toujours en train de chercher des moyens financiers pour un futur projet. Je m’en sors toujours pour repartir grâce à mes choix de vie. Ma vie est organisée pour que je puisse partir à tout moment.

Mais il y a un revers à tout cela. Je fais énormément face à la solitude. Je suis souvent loin des personnes que j’aime et à la fois très ouverte aux autres. Pour l’instant je choisis de vivre comme cela. Mais avec le temps je changerai peut être de mode de vie.

 

A.L : Vous travaillez exclusivement à l’étranger ?

L-M.G : J’ai dû me poser en France pour écrire mon livre “Sales guerre” édition L’Observatoire. Il fallait bien que je vive, du coup j’ai travaillé pour des médias en France en même temps. Je fais plus de proximité. Je travaille surtout pour le magazine Les Echos, un peu pour Le Monde Diplomatique et France Inter.

Je travaille peu, j’ai un rythme d’écriture assez lent. Je privilégie les grands reportages sur la durée.

 

A.L : Quels sont vos prochains projets ?

L-M.G : Je suis en attente de VISA. Mais je devrai partir très prochainement pour un nouveau reportage au Moyen-Orient, pour un événement politique. Je rentre avant la biennale de la presse. J’ai aussi un grand voyage dans un pays du Moyen-Orient prévu pour le mois de juillet. Ce sera un grand reportage presque du récit d’aventure.

En automne, je prévois de commencer l’écriture de mon second livre.